jeudi 15 août 2013

Pour Lisa David


La direction de RFO poursuit devant le Tribunal correctionnel notre consoeur Lisa David au motif de « diffamation publique » envers un ancien rédacteur en chef métro de la station de Clairière. Dans ce pays de Martinique où il est de bon ton de la boucler ou alors d’émettre des critiques « soft », en dépit de la gravité de bon nombre d’affaires, force est de reconnaître un courage certain à celle qui est l’une de nos rares journalistes d’investigation. Expression tautologique s’il en est puisqu’un vrai journaliste investigue forcément ou alors il n’est qu’un griffonneur de calepin ou un porteur de micro. Passons…
Des exemples ? Quand Lisa David révèle, dans ce journal même, les turpitudes d’un certain magistrat, président du Tribunal de commerce mixte, ANTILLA et elle sont immédiatement condamnés pour diffamation. Sauf que quelques mois plus tard, ledit magistrat est mis en examen, placé sous mandat de dépôt et radié de la magistrature pour les faits révélés !!! Parfois, Lisa prend des risques comme lorsqu’elle révèle, lors d’un célèbre procès de trafiquants de drogue, le nom du fils d’un puissant commerçant de la place, fils qui est beaucoup cité à l’audience sans qu’il soit jamais entendu par la justice !!!
Il est vrai qu’elle commence tôt puisque aussitôt embauchée comme pigiste à RFO en 1993, elle ose révéler que, pour la première fois dans l’histoire de ce pays, des Békés sont placés en garde à vue par le SRPJ et placés sous mandat de dépôt dans une affaire d’abus de biens sociaux. Mais notre pasionaria ne s’arrête pas là : lors d’une manifestation, un jeune Martiniquais est blessé par balles à Fort-de-France, elle révèle que les tirs provenaient de la police, ce que confirmera plus tard un rapport de la police des polices. Elle est alors convoquée par le directeur de RFO-Martinique à l’époque qui lui somme d’arrêter !
PRESSIONS
Lisa David gêne à RFO. Elle gène la Droite assimilationniste, les Békés, le pouvoir français. Elle devient « l’indépendantiste » à abattre. Après moult péripéties et après surtout avoir travaillé des années durant à RFO sans contrat, elle finit par être intégrée mais loin de baisser l’échine, elle révèle à l’antenne que certains huissiers et notaires utilisent l’argent de leurs clients. Les faits seront jugés et les protagonistes condamnés. Rebelote : elle est convoquée à nouveau par la direction à qui elle lance « l’ORFT, c’est fini ! ». Désignée à compter de 1994 déléguée syndicale CGTM, puis par le syndicat des journalistes CGT, elle se montre intraitable sur le dossier d’intégration de nombreux collègues, intégration que certains et certaines qui la descendent aujourd’hui lui doivent.
En 1998, elle est à la tête de la mobilisation pour que cesse la priorité donnée systématiquement à des cadres métros et se bat pour l’antillanisation des cadres. Elle doit se battre encore des années pour obtenir la qualification de « journaliste spécialisée » alors que toute la Martinique n’entend que sa voix, ne voit qu’elle pendant des années à assurer la chronique judiciaire. Episode comique mais pas drôle du tout : alors qu’un journaliste de RFO est autorisé à réaliser des reportages dans la commune où il sera candidat (et élu quelques mois plus tard), la direction n’hésite pas à la menacer quand, en sa qualité de citoyen libre, elle accepte d’aider le MIM (Mouvement Indépendantiste Martiniquais) à réaliser un journal dans lequel elle n’écrit pourtant aucun article !!!
COURAGE
Tou sa poko lapli pou mouyé Lisa ! En 2005, elle n’hésite pas à dénoncer publiquement, dans une lettre ouverte à Marc Tessier, alors PDG de France-Télévisions, le comportement de la rédaction parisienne de RFO qui reprenait les sujets des journalistes locaux et les faisaient lire par des journalistes parisiens pour éviter de faire entendre l’accent antillais sur l’antenne parisienne.
Plus tard, quand Patrick de Carolis, PDG de France-Télévisions, vient en Martinique, elle lui adresse une lettre ouverte pour réclamer le respect de notre culture, de notre langue, bref une télé plus proche des Martiniquais. Cette lettre est cosignée par diverses organisations syndicales. Alors, on va tenter de la briser : en 2008, alors qu’elle occupe depuis deux ans un poste de responsable d’édition, la direction refuse de lui payer la prime qui est prévue conventionnellement. Elle doit encore entrer en résistance pour obtenir son dû !
En février 2009, lorsque le Béké Huyghes-Despointes déclare que le métissage des Martiniquais est quelque chose de disharmonieux, Lisa David rappelle à l’antenne que ce sont les Békés qui en ont été les premiers acteurs « en violant nos arrière-grands-mères dans les plantations où elle étaient leurs esclaves ». Personne ne porta plainte évidemment puisqu’il s’agit d’un fait historique avéré, mais les représailles ne se sont pas faites attendre. En effet, le 16 mars 2009, suite à un dysfonctionnement courant à RFO, la partie martiniquaise du « Journal Deux Iles » ne peut être diffusée. La Guadeloupe prend seule l’antenne. Aussitôt, Lisa David, la responsable d’édition ainsi que la présentatrice du journal, toutes deux très actives pendant la grève, sont accusées d’être responsables de la non présentation du journal.
Il fallut trois jours de grève de la faim de Lisa David, grève appuyée par la CGTM, la CSTM et la CDMT, pour que la direction de RFO accepte de retirer ses accusations. Pendant toute cette période, des tracts anonymes sur notre journaliste d’investigation sont distribués à la station de Clairière.
REDAC’ CHEF-ADJOINT
Le pire est à venir : une pétition demandant la tête de Lisa David est lancée par un journaliste lequel, à chaque fois qu’il obtient une signature, en informe celle-ci par mail. Elle demande alors au rédacteur en chef adjoint de faire cesser ce harcèlement. Ce dernier ne bouge pas ! Encore un pas dans l’ignominie : une collègue se voit remettre sa fiche de salaire et dans le même temps l’un des tracts anonymes anti-Lisa David. Cette dernière porte alors plainte auprès de l’Inspection du travail qui fait une enquête.
La secrétaire remplaçante chargée de remettre les fiches de salaires déclare qu’elle y adjoignait ces tracts « à la demande du chef » ! Le CHSCT enclenche ensuite sa propre enquête laquelle aboutit, tout naturellement, à blanchir ledit chef et à accuser notre journaliste de l’avoir diffamé. Suite logique : Lisa David sera traduite très bientôt devant le Tribunal correctionnel de Fort-de-France.
Visiblement, depuis des années, tout est fait pour casser Lisa David. Cette « femme-à-deux-graines » comme il y en a si peu dans notre pays (où d’ailleurs les hommes-à-deux-graines sont encore plus rares). Elle n’a jamais voulu rentrer dans le rang. Elle n’a jamais cessé de dénoncer les travers de notre société coloniale et les turpitudes des individus qui y tiennent le haut du pavé. Certains diront que c’est de la pure inconscience. Pour ma part, j’appelle cela du courage et de l’intégrité, rien d’autre ! Etre courageux dans cette barque à la dérive qu’est la Martinique, c’est refuser de pagayer dans le sens du vent c’est-à-dire dans le sillage du pouvoir colonial et de ses « mako locaux » comme on dit en Guadeloupe. Etre courageux, c’est oser dire, écrire ou faire, ce que personne n’ose, même si beaucoup ronchonnent dans leur coin.
Nous sommes un certain nombre de Martiniquais et de Martiniquaises déterminés à nous placer aux côtés de Lisa David le jour du procès. Ki yo lé, ki yo pa lé, nou ké la !
Raphaël Confiant

2 commentaires:

  1. de tout cœur avec Lisa DAVID et souhaite vivement qu'elle continue sur son chemin !!!
    comme depuis des décennies c'est toujours une minorité de personnes qui font bouger les choses, tomber les têtes des soit disant "grosses pointures" et déplacent les montagnes !!!
    bonne continuation Lisa et tous ceux qui la soutiennent dans ce combats parsemé de croche-pied !!!!
    COURAGE LISA et que DIEU vous protège des attaques des méchants

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  2. je soutiens lisa david. Trop de choses se passent dans ce pays. Il est temps que cela cesse. NI trop crabes a dan pays ta là. Il est grand temps que les martiniquais et martiniquaises ouvrent leurs yeux. zot ka accepté trop bagaille.Solidarité pour lisa david. à quant plus de solidarité dans ce pays? zot pas crabe! elle n'est pas la seule à subir. hervé pinto, qui se bat est dans le même cas. Je soutiens ces personnes de combat. Tenez bons, nou la épizot. Même si, ni en lo ki trahi zot...

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