vendredi 23 août 2013

Lettre ouverte au Commissaire du gouvernement de Michel Martelly, M. Francisco René alias Gwo Moso.



Monsieur Gwo Moso,

A moins que vous soyez porteur d’un message pouvant apaiser la situation tendue qui prévaut dans le pays, vous devriez avoir honte de prendre la parole au nom de ce gouvernement qui est déjà au bord du précipice. Vous avez la mémoire très courte pour oublier déjà que des individus encore plus puissants que Michel Martelly n’ont duré au pouvoir que l’espace d’un cillement au cours des 25 dernières années. Vous avez la mémoire encore plus courte d’oublier le sort qui a été fait au régime tout-puissant de Jean-Claude Duvalier quand celui-ci était contraint de quitter à la fois le pays et le pouvoir. Ce dictateur dont le nom reste à jamais dans la mémoire collective dans un sens négatif, qui a eu la peau sauve tout en laissant derrière lui des serviteurs pour en faire les frais. Comprenez ce que nous voulons bien dire par là! C’est donc le moment, M. Francisco René, de vous demander si vous ne vous souciez pas de votre nom et de l’avenir de vos proches ? Ne vous foutez-vous pas du jugement de l’histoire par rapport aux actions néfastes que vous comptez prendre contre la presse ? Car, il arrivera un temps où le peuple demandera des comptes.

De 1986 -- quand le peuple haïtien avait sonné le glas de la dictature – à nos jours, nous n’avons connu d’autres acquis que le droit à la parole. Un droit que nous avons fait nôtre au prix de maints sacrifices: des centaines d’individus jetés en prison, torturés et exilés; des milliers d’autres tués rien que pour avoir osé dire leurs désaccords avec le régime dictatorial des Duvalier père et fils. Des promesses, il y en a eut après la satrapie duvaliériste et il y en a jusqu'à aujourd’hui. Mais nous demeurons un peuple assoiffé, affamé, vivant dans la crasse tant que les gens au pouvoir de votre trempe et celle de l’actuel président ne s’en foutent pas mal de nous. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous nous exprimons à longueur de journée dans la presse pointant du doigt tous les méfaits du gouvernement que vous servez. M. Francisco René, savez-vous que « ventre affamé n’a point d’oreilles ? » Eh bien, nous ne cesserons de claironner haut et fort toutes les vicissitudes du peuple que lorsqu’elles auront été assouvies. Et pour ce faire, nous n’avons que la presse. Ainsi donc, toute attaque contre la presse ne fera que précipiter la chute du régime que vous servez. Loin de rester passifs, nous ne nous laisserons pas faire. S’attaquer à la presse c’est s’attaquer au peuple haïtien lui-même. Nous savons bien ce à quoi vous tenez quand vous dites : « le commissaire est dans la ville, prenez des ordres. Je crois que la récréation est terminée, le théâtre radiophonique est terminé. Il n’est plus question de traiter les autorités de n’importe quelle façon, car, l’autorité de l’Etat doit être restaurée ».

Monsieur le commissaire, si vous ne voulez-vous pas que le nom de la femme du président et celui de son fils soient cités dans les médias, il n’y a autre recours que de faire aboutir leur jugement selon les prescrits de la loi purement et simplement. La corruption dont ils sont accusés étant si étroitement liée à la dégradation du niveau de vie de la population haïtienne que nous en sommes intéressés de très près. Si vous aimeriez voir que nous cessions d’exprimer nos appréhensions quant à la partialité du système judiciaire, faites aboutir rapidement et équitablement le cas criminel dans lequel est cité Joseph Lambert, conseiller spécial du président. Tant qu’il continue d’exister une justice de deux poids deux mesures dans le pays, les médias n’auront d’autres choix que de le faire connaître au public. Si vous voulez qu’on cesse de dire dans les médias que bien des individus entourant le président sont du type mafieux, qu’il s’en débarrasse.

« Qui veut son respect se le procure », dit le vieil adage. On peut respecter le gouvernement si et seulement s’il parvient à faire triompher le règne du droit dans le pays. Un président qui fait du mensonge son cheval de bataille n’est pas digne d’être respecté. Dans ce sens, les exemples abondent. Il dit n’avoir rien à voir avec l’arrestation du député Arnel Belizaire tandis qu’une enquête de la Chambre des députés prouve le contraire. Il dénie avoir pris part à une réunion pour forcer un juge d’instruction (Jean Serge Joseph) à changer ses décisions (ce qui est illégal suivant le principe de séparation des trois pouvoirs) pendant qu’une enquête du Sénat conclut qu’il y participait de fait. Sans en fournir la preuve, il accuse Mirlande Manigat de fomenter un coup d’état. Autant de faits négatifs à l’actif du président qui méritent d’être pris en compte et rectifiés. 

M. Francisco René, nous aurions tant aimé que vous ayez de l’étoffe nécessaire pour comprendre qu’il est anormal de défendre l’indéfendable. Mais cela reste ce qu’il est, un vœu pieux. Nous disons un vœu pieux nous basant sur les performances à la fois exécrables, lamentables et immorales qui caractérisent votre cheminement dans les différentes juridictions où vous avez siégé en tant que commissaire du gouvernement. Peut-être qu’il vous prendra un temps plus long pour venir à la raison, d’autant que, pour les raisons que l’on sait, il n’y a que Dieu et les imbéciles qui ne changent pas. Or, vous ne sauriez être Dieu.

Sincèrement,
Reginald Villier
22 août 2013

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