jeudi 14 mars 2013

Lettre ouverte aux Martiniquais sur une interpellation des juges et autres gouverneurs du pays par Garcin MALSA



Messieurs les Hauts Représentants de la République française
Trop, trop, trop c’est trop ! 
dlo dépasé farin.


J’affirme, devant vous que je n’ai aucune haine contre tous les juges de France, mais aujourd’hui « je m’érige bêcheur » de tous ces juges et comparses qui, depuis des lustres, continuent d’agir au nom du peuple français pour maintenir en Martinique un système d’apartheid. Malgré les formes administratives expérimentées au cours des époques, c’est encore le régime colonial qui prévaut dans son fonctionnement.

« Je m’érige bêcheur » de tous ces juges qui ont fait condamner et fusiller les insurgés de 1870, caché la vérité au sujet de l’assassinat de André ALIKER, de MARAJO, de MARIE-LOUISE et de Reynor ILMANI pour protéger les intérêts de la caste béké, descendant d’esclavagistes avec l’aide de l’Etat et de son armée.

« Je m’érige bêcheur » de tous ces juges qui se sont pliés aux ordres de l’Etat  qui a diligenté les arrestations puis l’emprisonnement de jeunes de l’O.JA.M en 1963, les massacres de plus d’une centaine de jeunes guadeloupéens en 1963, l’arrestation puis l’emprisonnement de plusieurs jeunes guyanais en 1974. Tous en Martinique,  en Guadeloupe et en Guyane, ils s’étaient contentés de clamer leur appartenance à leur pays.

« Je m’érige bêcheur » de tous ces juges qui ont récemment transformé en victimes ces mêmes descendants d’esclavagistes. Ceux-là même qui ont publiquement et ostensiblement fait l’apologie de l’esclavage, pillé le Crédit Martiniquais en se faisant aider par l’Etat ; contribué à polluer les terres, les rivières et les eaux marines par les pesticides dont le chloredécone.

Il faut remonter à la période de l’esclavage pour observer autant de mépris et de crimes à l’encontre des esclavagés.

N’y voyez donc de ma part ni provocation, ni acharnement, comme pourrait se l’imaginer certains, quand je vous dirai que  cette accumulation d’injustices et d’injures ne peut que légitimer la révolte qui surgit tout à coup de ceux qui en souffrent.

C’est bien ce sentiment de révolte contre un système que vous avez choisi de représenter que je veux exprimer ici.

Ce sentiment de révolte qui m »habite sans doute depuis la naissance a semble-t-il, mûri pendant mon adolescence pour se transformer et s’orienter contre toutes formes d’injustices notamment à l’égard de mon peuple.

Ce sentiment de révolte qui a fait et continue de faire de moi un rebelle, un révolutionnaire, ne relève ni d’une quelconque revanche contre quiconque, ni d’une quête passéiste et encore moins d’une mal-construction congénitale transformée en mal-être.

Bien au contraire, je crois qu’il correspond chez moi, à cet homme bien-construit, équilibré en quête permanente d’identité, d’égalité, de réhabilitation de l’homme. Cet être humain qui est vivant, saura se respecter et trouver, à travers ses actions, l’harmonie avec le reste de la Nature.

Tout cela, je le dois certainement à mes parents et à tous ceux qui m’ont, très tôt, inculqué le rejet de l’exploitation de l’homme par lui-même.

Pour tout dire, tant que dans mon pays la Martinique la caste esclavagiste continuera de mépriser impunément les afrodescendants, je ferai tout pour partager ma démarche d’être insoumis et rebelle en quête d’équité.

Mais, aujourd’hui en plein premier trimestre de 2013, ce n’est point ce mépris séculaire et congénital de cette caste qui m’émeut le plus, ni m’ébranle. Un tel mépris synonyme de racisme a été construit dans la violence, il disparaitra comme il s’est construit car « qui tue par l’épée, périt par l’épée ».

Aujourd’hui, je suis traversé par un triple sentiment : la tristesse – la honte – la peur


Avouez Messieurs les juges, que des arrêts ou jugements que vous prenez dans les Colonies, menées pour la circonstance département ou territoires d’Outre Mer,  pour des affaires judiciaires importantes auraient été inversés si vous vous trouviez en France (proche du pouvoir central). Car ils auraient été contestés et votre honneur se trouverait bien évidemment  menacé. C’est la preuve que ce que disait Pascal à l’époque de l’esclavage et de la Colonie reste toujours valable : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà ».

En effet, il a été démontré en mille circonstances que l’égalité entre les êtres humains est différenciée à mesure que l’on s’éloigne de l’Europe et que l’on se rapproche des Tropiques. Rassurez-vous, l’Etat que vous êtes sensés représenter, quoique vous en dites, se situe dans la même logique : la logique de Colbert et du Code Noir qui continue de sillonner les esprits des colons quelque soient les latitudes et les époques : « la pensée politique qui conçut le Code Noir appartient aux forces ténébreuses de l’histoire ; le commerce qui chargea dans ses cales les hommes, les femmes et les enfants du plus grand continent du monde, n’a pas porté les fruits qu’on dit.  Il a usé la terre et dévasté les forêts, il a domestiqué les sources et, en niant que les êtres humains restent toujours supérieurs à leurs réalisations, il a créé l’illusion de la richesse » :   in lesFrères volcans de Vincent Placoly.

Pour s’ en rendre compte il suffit d’évoquer un événement récent qui a concerné l’Europe et en faire  la comparaison avec ce qui se  passe en Martinique et en Guadeloupe : l’affaire des lasagnes où des commerçants affairistes ont volontairement commercialisé de la viande de cheval pour de la viande de bœuf (plus recherchée) a mobilisé l’ensemble des Etats européens pour chercher les coupables et trouver des mesures immédiates à la réparation et au non renouvellement d’un tel avatar. De l’autre côté de l’océan, en Martinique et en Guadeloupe depuis 1992 sévit un drame sanitaire, économique, écologique et social engendré par l’épandage des pesticides dont le chloredécone en est l’exemple le plus cité. L’Etat français continue d’autoriser des dérogations pour l’épandage aérien et prend à la légère les maladies causées par le chloredécone. Alors qu’il n’y a pas photo entre les 2 exemples ; le dernier celui du chloredécone étant beaucoup plus grave. On constate que l’Etat français à tout fait pour protéger les Européens et que de l’autre on s’empresse peu ou presque pas pour s’occuper du sort économique et sanitaire des non-européens.

Si « La France ne doit pas abandonner ses Colonies » comme l’écrivait Pécoul, esclavagiste de Saint-Pierre, en 1848 (avant l’abolition), cette même France, mère des arts, des armes et des lois » a deux langages et deux types de fonctionnement selon la latitude à laquelle elle opère.

Force est de constater que l’autre élément du trinôme qui a géré nos Colonies, après que furent exterminés les Caraïbes, est toujours là, intact, inébranlable ; je veux parler de ces descendants d’esclavagistes appelés créoles qui forment la caste béké. Je ne suis nullement étonné de voir qu’ils continuent d’afficher pour les afrodescendants cette méchanceté méprisante et congénitale qui demeure impunie car approuvée et supportée par les deux autres éléments du trinôme que sont la Justice et l’Etat.

Sachez que tant qu’existera ce lyannaj colonialiste, j’épuiserai toutes mes forces à la combattre et je ferai tout pour partager ce combat. Car, il est intolérable que, dans la France des « Droits de l’Homme et du Citoyen » qui a osé se doter  d’un gouvernement qui porte dans ses rangs 3 ministres d’origine afrodescendante, que l’on puisse accepter que nos peuples continuent d’être traités avec autant de mépris. Ce qui se passe chez nous, sous la férule d’une caste qui a inventé et perpétué des formes d’apartheid, n’aurait jamais pu être accepté ni même toléré dans quel qu’endroit de la « France continentale ».

Ceci dit, à la lueur de l’actualité de la semaine écoulée : dérogation accordée aux bananiers pour permettre l’épandage aérien, relaxe de principaux acteurs de la disparition du Crédit Martiniquais, annulation par la Cour de Cassation de la condamnation infligée à Alain Hughues Despointes pour apologie de crime contre l’esclavage, liquidation de la SOCOPMA, organisme qui faisait partie intégrante du patrimoine agricole martiniquais. J’éprouve tristesse, honte et peur.

Je suis triste pour tous ces intellectuels, artistes et décideurs martiniquais qui ont cru qu’avec le temps et aussi les évolutions politiques « progressistes » les choses changeraient : la Justice serait plus éclairée, plus autonome dans sa vision d’équité. Les possédants du foncier, des commerces et de l’import-export se porteraient un peu plus à l’écoute des événements de 2009 pour éteindre leur cupidité, et l’Etat quant à lui serait plus enclin à rétablir l’égalité sociale et économique dans nos pays qui connaissent un taux de chômage qu’aucune région de France ne pourrait supporter. Malheureusement, c’est l’inverse qui est observé. Et tous ces intellectuels et artistes, qui se targuent de fréquenter les pseudos salons des békés devaient constater qu’un tel parrainage ne sert qu’aux békés. Ils s’étendent économiquement et donnent l’illusion au monde qu’ils sont en accord avec la culture martiniquaise. D’ailleurs, forts de cette alliance, n’ont-ils pas tenté de nous entraîner aveuglément dans leur système créole et faire croire que nous faisons tous partie de leur même famille créole.

Un intellectuel bien connu de la littérature martiniquaise pour avoir obtenu un grand prix des jurys littéraires, m’avait déclaré un jour « Garcin, ne te fatigues pas, les békés étant beaucoup moins nombreux que nous, se dilueront au fil du temps dans le peuple martiniquais, et le problème d’apartheid que tu évoques avec justesse se règlera de lui-même ». Je souhaite qu’il se reconnaisse et accepte de s’être trompé puisqu’il remarquera que c’est l’inverse qui se produit. Il avait ignoré que nos sociétés continuent de vivre dans un circuit de violence que nous ont imposé les colons aux premiers rangs desquels sont les békés et l’Etat complice. Pour s’en défaire, il faut appliquer une thérapie. Il faut donc lutter pour inverser les rapports entre nous colonisés et colons. Ces rapports ne relèvent pas d’un aspect musculaire ou financier ; ils sont avant tout d’ordre sociologique et politique. C’est donc la prise de conscientisation volontaire qui nous sauvera. Mon ami et tous ceux qu’il avait convaincus de sa thèse sous-estimait les békés : et pour en finir je  me contenterai de les envoyer à ce mots de Parny sur les Créoles : « ce sont des êtres vains et entêtés ; ils méprisent ce qu’ils ne connaissent pas et ils connaissent peu de chose. Ils sont plein d’eux-mêmes et vides de tout le reste » et Vincent Placoly d’ajouter : « ils sont toujours prêts à se compromettre pour garder la vanité de leur richesse, qu’ils ne connaissent ni gouvernement  ni lois que ceux du profit et de la conservation des privilèges » (page 82 – Frères Volcans).

Je suis amplement attristé quand je mesure comment le colon « ruse de l’histoire » à l’art et à la capacité de mettre à l’étau les trois membres afrodescendants qui siègent au gouvernement français : La Garde des Sceaux, le ministre de l’Outre Mer, la ministre déléguée chargée de la réussite éducative que sont respectivement Mme Christiane TAUBIRA, Mr Victorin LUREL et Mme George PAU-LANGEVIN. Ils ont été obligés de cautionner tout se qui vient de se dérouler comme drames coloniaux ces derniers jours au sein de leur peuple.

J’ai honte de voir se répéter les mêmes rituels qui montrent que des élus du peuple en activité ou non  dont certains sont des historiens de notoriété reconnue venir à la barre du Tribunal porter secours par des témoignages de moralité aux descendants d’esclavagistes qui ont déjà prouvé comment ils ne se gênent pas pour cracher sur la mémoire de nos ancêtres et piétiner l’honneur des descendants de personnes esclavagées victimes de la déportation d’Afrique vers l’Amérique.

J’ai honte devant le mutisme, l’indolence, le je « m’enfoutisme » des élus du peuple face aux décisions des tribunaux tant sur l’affaire du Crédit Martiniquais, où la preuve est faite qu’il y a vol d’argent des déposants et refus de rembourser un fonds de garantie fourni par l’Etat, que sur les dérogations répétées concernant l’épandage aérien et l’affaire du chloredécone.

Observez qu’à juste titre  pour des affaires bien moindres les élus de Bretagne, de la Corse, de la Loire, de Paris se seraient mobilisés pour faire entendre raison aux coupables. Comme en témoignent leurs mobilisations lors de la tempête Xynthia dont on rappelle en ce moment le souvenir tout en ayant soin de signaler au gouvernement tout le respect qu’il doit porter aux habitants de la région. La mobilisation des élus Martiniquais à leurs côtés ne serait pas surprenante alors qu’ils sont si indifférents au problème de l’épandage aérien de pesticides !

 En cette année du centenaire de la naissance de Césaire, je ne saurais exprimer ces sentiments  de tristesse et de honte  sans ne pas faire remarquer que bon nombre d’entre nous qui se réclament de Césaire n’ont malheureusement pas cherché à s’être imprégnés de cette force volontaire de remise en question. Celle à laquelle il nous renvoyait sans cesse, pour ne pas commettre des erreurs que certainement il avait commise lors de son parcours politique. Celui qui nous disait que le colon est « ruse de l’histoire » nous interpelle aussi dans « le discours sur le colonialisme » : « Donc camarades, te seront ennemis de manière haute lucide et conséquente non seulement gouverneurs sadiques et préfets tortionnaires, non seulement colons flagellants et banquiers goulus non seulement macotteurs  politiciens lèches chèques et magistrats aux ordres, mais pareillement et au même titre  journalistes fielleux, académiciens goitreux, endollardés de sottises……. »

S’il est vrai que ces propos peuvent être aujourd’hui relativisés, ils doivent nous être utiles pour nous orienter vers des perspectives d’avenir. Si nous ne nous révoltons pas il y a de quoi avoir peur. J’ai donc peur pour les générations futures qui pourraient se laisser terrorisées et anéanties par le rouleau compresseur  à trois têtes. En dépit de mon optimisme naturel et de a vision éco systémique du monde où le vivant occupe une place primordiale, je ne peux m’empêcher d’exprimer mon angoisse pour l’avenir car les transmissions de valeurs saines et spirituelles que  notre génération devrait assumer ont été ratées. Aussi, les générations actuelles sont quelque peu désorientées d’autant que les Trente glorieuses  sont arrivées depuis longtemps à bout de souffle et que les mutations générées par l’hyper multi crise sont incontrôlables



Si la peur peut être vécue, elle peut aussi être vaincue dès lors que celui qui l’exprime est déterminé à l’abattre et ne lésine pas à utiliser les méthodes adéquates pour l’érradiquer. Sinon le renouvellement  des êtres vivants comme le turn-over des étoiles ne se feraient pas et notre planète aurait longtemps disparu.
C’est donc au génie inventif et adaptatif de la société civile que je fais appel pour « une mutation Martinique » qui soit à la hauteur des espérances futures et du bouleversement sociétal du monde.
Aussi, dès à présent, j’exhorte les Martiniquais à ne pas tomber dans les querelles byzantines stériles qui nous amènent à oublier l’essentiel.

       L’essentiel : la sauvegarde de notre terre, de nos eaux, de nos espaces forestiers,  littoraux et marins comme matrice de notre développement durable et solidaire dont les contours seront installés sur la base de l’écologie politique.
       L’essentiel c’est la santé des Martiniquais qui doivent être dotés de moyens préventifs et curatifs ET exiger que les coupables de pollutions par le chloredécone réparent leur crime.
       L’essentiel c’est d’exiger que la Justice ne soit pas au service d’une caste esclavagiste et respecte lesnormes du droit international quel que soit l’origine ethnique ou/et l’appartenance social du justiciable.
       L’essentiel c’est de remettre la Martinique au travail dans des conditions où, la solidarité, le partage et le respect mutuel utiliseront  l’argent et le matériel au service du bien-être social et non le contraire.
       L’essentiel est d’agir à la manière du colibri qui s’active gaiement et inlassablement, va chercher l’eau goutte à goutte pour éteindre le feu.  A la tortue qui l’interpelle ironiquement comme pour lui montrer l’inutilité de ses allers-retours,  Il répond : je fais ma part et si vous en faisiez comme moi, nous arriverons très vite à maîtriser le feu.

Ainsi, commence l’éveil des consciences avant de se transformer en Insurrection. J’appelle donc à une insurrection des consciences pour abattre les pwofiteurs et leurs réseaux où qu’ils se  trouvent et à quel que degré de liaison qu’ils appartiennent.


Garcin MALSA
Martinique-Caraïbe-Amérique

1 commentaire:

  1. ce texte est jolie et plein de bon sens mais tant que nous Martiniquais auront besoins de l'argent des gens que vous contesté, il n'y aura pas de solution pour notre avenir.Le poison fera son effet dans notre sang, nos enfts seront diformes, sans cervelle et nous immigreront en france pays qui ne nous aime pas du tout a part comme bon sportifs ou Amuseur de soirées, plaisirs et festives, je ne vois qu'une solution a ce problème: AUTONOMIE !!! Continuer a concientiser notre peuple, je dis peuple car nous le sommes sans attendre la décision de papa blanc france!!! 350 ans de colonisation record Absolu !!! nous ne pouvont pas continuer comme ça a atendre la décision de papa blanc france, des Antillais-aises né dans l'exil souhaiteraient retourner au soleil et créer ou apporter des choses pour faire avancer le pays.

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