lundi 28 novembre 2011

L'ancien président Prosper Avril n'est pas un évadé de prison


Haïti: Depuis quelques jours circule dans certains médias de la Capitale et sur l'Internet une information totalement erronée accréditant la thèse que « L'ancien président Prosper Avril serait lui aussi un évadé de prison. » Vu l'impact négatif qu'une telle désinformation peut produire sur sa personnalité et son honorabilité, le Lt-Général Prosper Avril se voit contraint de rétablir la vérité pour ses concitoyens et pour l'histoire. Voici les faits:

Le 26 mai 2001, l'ancien président Prosper Avril signait son livre: "Le Livre Noir de l'Insécurité" au Restaurant Cassagne, à Pétion-Ville. En présence de tous ses invités, vers 10 heures du matin, un commando d'hommes cagoulés débarqua et procéda à son arrestation sans qu'aucun mandat ne lui ait été présenté, selon le voeu de la Loi et sans aucun égard à son statut d'ancien chef d'Etat. Il fut de suite placé en garde à vue au Commissariat de Police de Pétion-Ville.

Le lundi 29 mai 2001, Prosper Avril fut conduit au Parquet de Port-au-Prince. Là, il prit connaissance des raisons justifiant sa mise aux arrêts: un mandat d'amener, signé du Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince et daté du 25 mai 2001, ordonnait à la Police « de rechercher et d'amener au Parquet de ce ressort le nommé Prosper Avril, en fuite, ce, conformément au mandat d'amener émis et non exécuté pour complot contre la sûreté de l'Etat ». A la demande d'éclaircissements de ses avocats sur ce document de référence, le chef du Parquet était dans l'impossibilité de s'exécuter. Néanmoins, il informa qu'il s'agissait d'un mandat émis cinq ans plus tôt, en 1996, par un juge du nom de Gérard Gilles. Lorsque ses avocats firent valoir que ce mandat n'avait plus de valeur légale puisque le juge signataire est décédé depuis belle lurette, le Commissaire du Gouvernement acquiesça, mais ordonna quand même de conduire Prosper Avril au Pénitencier National, sous les regards ahuris de ses avocats.

Ce cas manifeste de violation de la liberté individuelle fut donc présenté par devant le Doyen du Tribunal Civil qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur la légalité ou l'illégalité de l'arrestation de Prosper Avril. Le dossier fut alors soumis à la Cour d'Appel de Port-au-Prince qui, le 12 juin 2001, trancha ainsi: « Par ces motifs... la cour donne acte au prévenu que son arrestation et sa détention sont illégales et arbitraires, ordonne en conséquence qu'il soit immédiatement mis en liberté conformément au prescrit de la Constitution en vigueur ».

Selon le voeu de la loi, cette libération devait être immédiate, exécutée "sur minute, nonobstant appel, pourvoi en cassation ou défense d'exécuter". Baliverne! Prosper Avril était conduit de nouveau au Pénitencier National et écroué. La lettre d'autorisation du Parquet qui devait rendre sa libération effective n'est jamais venue. Au contraire, les avocats de l'ancien Président l'informèrent qu'il allait être conduit devant un Juge d'Instruction dans le cadre de l'incident des prisonniers de la Toussaint, un dossier déjà évacué par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 4 novembre 2000.

Puisque le juge d'Instruction avait jugé bon de retenir le cas et de sortir une ordonnance de renvoi dans le cadre de cette nouvelle affaire, la cause fut soumise à la Cour d'Appel de Port-au-Prince qui, le jeudi 11 avril 2002, disposa: « La Cour déclare nulle l'ordonnance de renvoi et ordonne, en conséquence que le sieur Prosper Avril soit mis en liberté immédiatement, s'il n'est retenu pour autre cause. »

Cette fois, l'exequatur arriva au Pénitencier National le lundi 15 avril 2002; les dispositions furent donc prises pour l'exécution de cette décision de justice. Cependant, la fin du libellé de l'ordonnance de libération avait fait germer une idée pernicieuse à l'esprit des persécuteurs de l'ancien Président. A peine avait-il franchi la barrière du pénitencier, il fut violemment arrêté une nouvelle fois en présence des autorités pénitentiaires qui l'avaient accompagné à la sortie. Puis, sans qu'aucun document administratif n'ait été rempli, il fut contraint de réintégrer sa cellule. A ses avocats stupéfaits au moment de l'arrestation, avait été remis le mandat d'un juge de Saint-Marc relatif à la présumée responsabilité du président Prosper Avril dans un massacre de paysans qui aurait eu lieu à Piatre le 12 mars 1990, trois jours après qu'il eût démissionné du pouvoir. On connaît l'histoire de ce juge de Saint-Marc qui déclara à la presse avoir été forcé par le pouvoir d'alors d'inscrire le nom de Prosper Avril dans ce dossier.

L'ancien Président Avril entreprend de suite une action pour dénoncer le caractère illégal de cette nouvelle arrestation. Le 22 octobre 2002, une ordonnance de mise en liberté fut, une fois de plus, prise en sa faveur par la Cour d'Appel des Gonaïves: « La cour dit et déclare ... que le sieur Prosper Avril est détenu aussi arbitrairement qu'illégalement depuis le 12 avril 2002 au Pénitencier National; ordonne donc sa mise en liberté immédiate avec exécution sur minute de la présente décision, nonobstant pourvoi en cassation ou défense d'exécuter ».

Prosper Avril allait-il enfin regagner sa demeure? Non. Selon une loi haïtienne obsolète, le citoyen libéré par la justice doit rester en prison jusqu'à ce qu'un tout-puissant chef de Parquet en décide autrement. En l'occurrence, l'ordre d'élargissement devait venir du Commissaire du Gouvernement de Saint-Marc. Une copie de cette lettre me fut remise le 25 novembre 2002. Elle était adressée au Directeur Général du Pénitencier National avec, en annexe, une copie de l'ordonnance de la Cour d'Appel des Gonaïves du 22 octobre 2002 ordonnant la libération du "citoyen Prosper Avril".

Malgré tout, Prosper Avril fut maintenu en prison sur ordre supérieur. Le directeur de l'APENA avait reçu des instructions écrites lui demandant de ne pas donner suite à cette lettre du Commissaire du Gouvernement de Saint-Marc. Enfin, ce n'est que quinze mois plus tard, le 29 février 2004, le jour même où cessèrent les contraintes exercées contre ce fonctionnaire relativement à ce dossier, que l'ancien président Prosper Avril put réintégrer son logis. Comment cela avait eu lieu?

Dès 7 heures du matin ce jour-là, l'officier de service du jour vint ouvrir les portes de sa cellule et informa Prosper Avril qu'il venait de recevoir du Directeur Général de l'APENA l'ordre de le mettre en liberté en exécution de la lettre du Parquet de Saint Marc, et de le conduire chez lui. Un véhicule du service, avec à son bord deux agents haut gradés du Pénitencier, était mis à sa disposition à cette fin. Arrivé dans sa demeure, Prosper Avril reçut un appel du directeur de l'APENA qui, vu la situation de tension et de violence qui prévalait dans les rues, tenait à s'assurer personnellement que ses instructions avaient été bien exécutées.

Port-au-Prince, le 4 novembre 2011

Références:
1.- La Justice face au Pouvoir Politique en Haïti (2001 - 2004), Imprimeur II, Septembre 2005, Port-au-Prince.
2.- Justice Versus Politics in Haiti (2001 - 2004), Universal Publishers, 2007, USA -http://www.universal-publishers.com/

Lieutenant-Général retraité Prosper AVRIL
Ancien président de la République d'Haïti

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