vendredi 24 juin 2011

Répression antisyndicale en Guadeloupe

photo : Évariste Zephyrin


Compte-rendu de mandat de Me Hélène Rubinstein-Carrera, avocate honoraire, désignée par le Cicr pour assister au procès, le 20 mai 2011, de trois militants de l’UGTG

Tu as participé, comme avocate honoraire et membre du bureau du Comité international contre la répression au procès qui a commencé le 20 mai dernier contre trois dirigeants et militants de l’UGTG, dont Michel Madassamy, dont tu avais été l’un des avocats lors de son procès en 2004. Comment s’est déroulé ce procès ?
Le bureau du Cicr a été sollicité par le secrétaire général de l’UGTG, Elie Domota, pour apporter son soutien aux trois militants de l’UGTG, Michel Madassamy, Gabriel Bourguignon et Fred Louise. Dans sa lettre du 2 mai, le secrétaire général de l’UGTG soulignait : « C’est dans la continuité du combat que vous menez depuis de nombreuses années pour la défense des droits politiques et syndicaux et au nom de notre collaboration contre la répression que nous vous adressons ce courrier. Vous êtes informés de la répression, de la multitude de procès contre les militants de l’UGTG, principale organisation syndicale de Guadeloupe. Vous connaissez aussi les tentatives de déstabilisation des avocats qui les défendent, les provocations et violations des droits de la défense et particulièrement celles qui ont eu lieu contre Maître Sarah Aristide. » .

En effet, des dizaines de militants et responsables de l’UGTG sont poursuivis en justice et maintenant la répression s’est abattue sur leurs avocats ce qui est inconcevable dans une démocratie.
Ce n’est pas un hasard si la répression s’est déchaînée deux ans après 45 jours de grève générale qui s’est conclue par les « Accords Jacques Bino », signés d’un coté par la coalition de plus de 140 organisations, le LKP (Lyannaj kont pwôfitasyon) dont l’UGTG était partie prenante et de l’autre par l’Etat et le patronat. Ces derniers refusent toujours de respecter leurs engagements et tentent de faire taire les militants syndicalistes et leurs avocats.

Dans ce procès devant le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre, Michel Madassamy est accusé d’avoir blessé, en 2002, à lui seul seize militaires dans l’enceinte du dépôt d’une raffinerie d’essence. Quant à Bourguignon et Louise, ils auraient menacé de mettre le feu au dépôt d’essence. Le Procureur, muet sur les nombreuses et grossières nullités soulevées par les avocats, dans l’impossibilité de justifier la violation de principes élémentaires du droit, fut en revanche, très prolixe contre l’UGTG, dans un réquisitoire politique soutenant, contre toute évidence, que l’UGTG n’aurait plus le soutien de la population après cette affaire qui aurait changé son regard sur le syndicalisme. Or, loin de perdre des adhérents, l’UGTG est devenu le syndicat majoritaire ; aux dernières élections prud’homales, la progression en voix a été telle que les conseillers UGTG sont les plus nombreux.

Comme le dit un communiqué de l’UGTG à l’issue du premier jour du procès : « Le réquisitoire du procureur demande donc la condamnation de nos camarades dans un dossier où les avocats ont mis en évidence nombre d’irrégularités, d’erreurs de procédure, de pièces manquantes, de documents non transmis à la défense, de témoignages contradictoires. Autant d’éléments de nature à entrainer la nullité et l’annulation de ce procès. Mais en Guadeloupe, …. C’est une autre justice. » Lors de l’audience, devant les Confrères guadeloupéens et martiniquais, la Présidente a reconnu que le dossier était truffé de témoignages contradictoires quant à l’implication de chacun et de plus les trois magistrats du tribunal ne pouvaient cacher leur gêne quand des nullités invraisemblables ont été soutenues à la barre et confirmées par des conclusions. Pour l’avocat que je suis, la relaxe des trois syndicalistes s’imposent mais à la Guadeloupe, le droit s’applique suivant d’autres critères que ceux de Métropole. Néanmoins, la nature des peines requises, aussi inadmissibles soient-elles, est en contradiction flagrante avec la prétendue gravité des faits reprochés qui auraient pu, a déclaré le Procureur sans crainte de se ridiculiser, faire disparaître le quart de Pointe à Pitre !

Quelle est ton appréciation des peines requises par le procureur ?
Le procureur a requis 6 mois de prison avec sursis à l’encontre de Michel Madassamy et 12 mois avec sursis pour Gabriel Bourguignon et Fred Louise. Le jugement sera rendu le 9 août prochain, en pleines vacances, comme si on cherchait à éviter la mobilisation !
Pourquoi ces contradictions ? Parce que le procès ne s’est pas déroulé comme prévu en haut lieu. Le huis clos avait été annoncé pour que les turpitudes de la justice ne sortent pas du monde des juges et des policiers permettant ainsi de lourdes condamnations. Cependant, le huis clos n’a pas été maintenu de sorte que le principe de la publicité des débats a été respecté, pour une fois autorisant les militants syndicalistes à remplir la salle d’audience, comme il se doit. .

Qu’est-ce qui explique ce revirement des autorités ?
Mercredi 18 mai au matin a eu lieu une conférence de presse à l’initiative de l’UGTG, avec son secrétaire général. La presse et les télévisions étaient présentes et en ont rendu compte. Mais l’UGTG n’y était pas seule. Les secrétaires des unions départementales CGTG et Force ouvrières (organisations membres du LKP) y ont participé et de nombreuses organisations du LKP avaient fait part de leur soutien. J’estime que ce soutien effectif a été déterminant dans la façon dont s’est déroulé le procès Il est déterminant que le mouvement ouvrier et démocratique fasse front, en Guadeloupe, en métropole comme à l’échelle internationale contre la répression en Guadeloupe. Il s’agit non seulement des droits syndicaux, mais des droits démocratiques en général.

Lorsque le pouvoir d’Etat s’attaque aux avocats de l’UGTG comme il l’a fait à l’encontre de Patrice Tacita et de Sarah Aristide qui a été agressée physiquement par des gendarmes mobiles en pleine salle d’audience du Palais de justice de Basse Terre le 22 octobre 2010, c’est la démocratie de ce pays qui est ébranlée. C’est pourquoi, nous avons intérêt à poursuivre notre campagne pour faire triompher les libertés démocratiques comme je l’ai déclaré le 6 juin 2011, lors du meeting contre la répression organisé par l’Entente internationale des travailleurs et des peuples dans la grande salle Ambroise Croizat de la Bourse du travail de Paris, où j’avais l’honneur de prendre la parole aux côtés d’Elie Domota dans une salle comble.

Salle comble à la Bourse du travail de Paris contre la répression antisyndicale en Guadeloupe, avec Elie Domota, le 6 juin 2011

Le 6 juin, la grande salle de la Bourse du travail, à Paris, était comble pour le meeting convoqué par l’Entente internationale des travailleurs et des peuples avec Elie Domota, secrétaire général de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) et porte parole du LKP. Maître Hélène Rubinstein-Carrera, qui était présente au nom du Comité international contre la répression (Cicr) en Guadeloupe au moment du récent procès de trois des syndicalistes de l’UGTG, a dénoncé le caractère scandaleux de ces procès, dans lesquels les dossiers sont vides et manipulés, où des syndicalistes sont menacés de prison et de lourdes amendes au simple motif qu’ils accomplissaient le mandat syndical que leur avaient confié les travailleurs. Elie Domota, qui a dressé un terrible réquisitoire contre les conditions de vie et de travail des travailleurs, paysans et jeunes, et contre la parodie de justice qui vise à « criminaliser l’activité syndicale » dans ce qu’il a rappelé être, non pas un « département d’outre-mer », mais l’une des dernières colonies françaises. En conclusion, il a appelé à la mobilisation et à la solidarité des travailleurs et de leurs organisations en appui aux militants ouvriers persécutés en Guadeloupe et dans le monde. Jacques Girod, de l’union départementale CGT-FO de Paris, et Alain Serre, secrétaire général de la fédération CGT des professionnels de la vente, ont assuré l’UGTG et les autres syndicalistes de Guadeloupe de leur totale solidarité, considérant que toute attaque contre des syndicalistes en Guadeloupe était une attaque contre tout le mouvement syndical. Daniel Gluckstein a conclu le meeting au nom de l’Entente internationale des travailleurs et des peuples en rappelant ce qu’est l’Entente et quel est son combat sur tous les continents.

Les participants ont adopté à l’unanimité (moins une abstention) la motion suivante : « Nous, participants au meeting convoqué lundi 6 juin 2011 à la Bourse du travail de Paris (…) affirmons : La répression contre les syndicalistes en Guadeloupe représente une remise en cause intolérable des droits syndicaux et démocratiques de tous les travailleurs. C’est une atteinte aux droits de l’ensemble du mouvement ouvrier à l’échelle internationale, et une remise en cause des Conventions 87 et 98 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Nous prenons ici l’engagement de tout mettre en œuvre pour que cessent les graves atteintes aux libertés syndicales en Guadeloupe, pour que se développe largement dans le mouvement ouvrier l’exigence de · L’arrêt immédiat de la répression antisyndicale en Guadeloupe ! · La levée immédiate de toutes les poursuites judiciaires contre les responsables et militants de l’UGTG et des autres organisations du LKP ! »

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