samedi 25 juin 2011

Haïti : A tous ceux que la question de couleur intéresse



A tous ceux que la question de couleur en Haiti intéresse, je leur présente des tranches d’histoire qui pourront servir de corpus en vue d’analyser plus profondément ce problème. En attendant, je constate que ce débat coïncide avec l’arrivée de Michel Martelly au pouvoir dans le pays. Et surtout après avoir désigné Daniel Rouzier comme son premier Ministrable.

Nous sommes en 2001, dans un restaurant de North Miami. J’écoute des musiciens-compas, discuter autour d’un repas qu’ils se partagent. Je choisis de poser une question directe à Robert Martino, le père géniteur (biologiquement et musicalement) des Ti-Mesye de T-Vice. “Est-ce vrai que vos enfants s’étaient laissé aller dans un bal jusqu’à lâcher le fameux slogan: Gen yon mouch ki tonbe nan vè lèt la. Il y a une mouche dans le verre de lait?” C’était la petite phrase assassine qui, à l’époque, alimentait sous forme de rumeur, les conversations entre les jeunes dans les rues de Port-au-Prince, les ruelles de nos bidonvilles et un peu partout à travers le pays. Robert Martino devint subitement rouge de colère. Il avoua que cette rumeur malfaisante était répandue par, tenez-vous bien, MICHEL MARTELLY qui , musicien à l’époque, tentait d’éteindre les T-Vice, groupe rival sur le marché des divertissements tant en Haiti que dans la diaspora. Robert Martino accusa également Martelly d’être commanditaire de l’agression qu’avaient du subir Roberto et Reynaldo, lors du concert de Buju Banton à Drouillard en septembre 1999. En effet, des bouteilles de plastics JUNA remplies d’urine furent balancées sur les fils de Martino par des membres d’un gang de Cité Soleil, en même temps que des accusations verbales de RACISME leur furent lancées. T-Vice étaient obligé d’abandonner la scène musicale et les frères martico furent évacués par les bons soins des policiers. Bon, j’ai vu récemment une vidéo contenant des images de Robert Martino à côté d’autres musiciens animant le bal d’inauguration du mandat présidentiel de Michel Martelly. Mais, cela ne m’empêche pas de souligner que Michel Martelly avait, pour les besoins de ses propres affaires, utilisé l’arme dangereuse de la Question de Couleur contre des musiciens rivaux.

Nous sommes en 2005. Le governement Boniface Alexandre/Gérard Latortue ne semble contrôler que les abords du Palais National. Le quartier devenu ville Cité Soleil est considéré comme l’épicentre du banditisme intra capital. Le kidnapping fait rage. Le célèbre rappeur Wyclef Jean fait jouer la carte de sa proximité avec les éléments du ghetto, en se basant sur son passé d’enfants desprojects de Brooklyn, NY et New Jersey. Il prend l’habitude de pénétrer dans Cité Soleil, zone de-non-droit, (selon le vocabulaire mis dans la bouche des médias par l’ambassade de France) sous les habits du philanthrope. Un après-midi, il se fait accompagner des frères Roberto et Reynaldo Martino ainsi que de leur mère-promotrice et administratrice Jessie Al-Khal. Ensemble, ils distribuent des sacs de riz à la population qui les applaudit. Devant les caméras de télés, les fistons Martino expriment leur satisfaction d’avoir enfin pu “pénétrer dans Cité Soleil. Enfin nous avon accompli notre rêve”. Ils remercient Wyclef de leur avoir offert cette opportunité. Je ne savais pas que Roberto et Reynaldo étaient si profondément marqués par l’épisode sauvage de Drouillard, commanditée selon, ce qu‘ils savaient, par Michel Martelly. Comme sortis d’une séance d’exorcisme, ils ont lavé l’affront et surtout vaincu la peur.

Mais, ce même Wyclef racontera quelques jours plus tard à mon confrère Marcus à Boston, au cours d’un dialogue Off the Record, qu’il était étonné de constater que le préjugé de couleur est plus fort en Haiti qu’aux USA. Dans la soirée, après avoir conduit les frères Martino et leur mère à Cité Soleil, ils s’étaient donné rendez-vous dans une boite de Kenscoff. A son arrivée, Wyclef vit Roberto, Reynaldo et d’autres amis à peau claire assis en cercle. Il tapa sur l’épaule de l’un des deux frères qui, simplement se retourna pour identifier celui qui lui a fait ce geste amical. “Woy Clef. Sak Pase?” lui fut-il dit. Personne n’a daigné lui offrir de s’asseoir, de prendre part à la conversation ou même lui faire l’honneur de vouloir prendre une bière avec lui. Wyclef venait de découvrir que les mêmes qui se battraient pour qu’ils leur ouvrent les couloirs de MTV ou BET, n’étaient pas prêts pour l’accueillir dans leur cercle ou salon en Haiti, parce qu’il fait trop Cité Soleil ou Paysan de la Croix-des-Bouquets.

Venons-en actuellement. Où est Wyclef? Est-il toujours à côté de Martelly? Lorsque j’étais récemment à Port-au-Prince, j’entendais des gens dans l’entourage de Michel Martelly parler de lui avec beaucoup de mépris. “Se moun Site Solèy yo li te ba nou”, comme pour signifier qu‘il n‘aura pas trop d‘influences dans le governement Martelly..
Donc, la question de couleur en Haiti a alimenté un ènième débat. J’applaudis ceux qui proposent que ce thème soit débattu comme un fait social entier, en proposant une méthodologie écartant toute approche émotionnelle ou démagogique. Je plains aussi ceux qui versent dans des arguments creux et défaillants en collant maladroitement l’étiquette de noiriste aux interlocuteurs qui rétorquent que le problème existe bel et bien. Il y a certes ceux qui sont prêts à se couvrir des oripeaux du mulatrisme, adoptant de manière éhontée la posture du sycophante. Il y a aussi ceux qui croient que le temps a fait son oeuvre et que le problème s’est résolu de lui-même. C’est une arnaque intellectuelle. La haute voltige incite ces invertébrés à sécher leurs habits là où le soleil brille.

Norluck DORANGE

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire