lundi 2 novembre 2009

Lettre ouverte à monsieur Eric Besson, ministre de l'immigration

Le gouvernement français persiste et signe. Après son projet de diviser les africains en maghrébins, pays méditerranéens, pour recréer le mur de Berlin côté africain, le nouveau gouvernement français propose un projet de rapatriement massif par charters de sans-papiers. Personne n'est dupe et nous connaissons les chiffres. Rien qu'en France, plus deux cent mille sans-papiers africains y vivent.

Moi je ne dirais pas africains et maghrébins mais je dirais bien, africains du nord, africains du sud, africains de l'est, et africains de l'ouest. Je ne diviserais pas le peuple africain en noirs et blancs, en appelant les plus clairs vivant en majorité dans le nord de l'Afrique « maghrébins » et les noirs, le reste, « africains ». Le travail a été bien fait par les intellectuels et hommes politiques français et c'est maintenant entré comme il le faut dans la tête de ceux qu'ils manipulent (le peuple). Les pays maghrébins sont composés de noirs et de blancs africains. Il existe même un pays où la majorité de la population est noire qui fait partie du Maghreb : la Mauritanie.

Cette intention belliqueuse que ce gouvernement français a depuis son arrivée au pouvoir doit cesser. Le Président de la République vient de déclarer que pour la première fois de son existence tous les gouvernement européens de droite comme de gauche étaient d'accord pour dire oui à son projet de charters. Ce projet a pour objectif de virer tout simplement tous les africains appelés sans-papiers vivant en Europe. Nous comptons à ce jour près de 2 millions de résidents africains sans-papiers dans toute l'Europe. Cette campagne de chasse à l'homme est lancée par la France. Ce qui me surprend : cela fait vingt-quatre heures que cette annonce est faite et je n'ai entendu aucune réaction d'hommes de gauche excepté Jean-Luc Bennahmias, ancien secrétaire général des verts à l'époque où je les occupaient avec les sans-papiers de la Maison des Ensembles. J'espère entendre une réaction beaucoup plus forte à cause de la gravité du sujet.

Comme je l'avais fait à l'époque avec mon collectif de sans-papiers quand M. Chevènement, alors dans le gouvernement de M. Lionel Jospin, avait demandé au préfet d'augmenter le nombre des expulsions (voir Libération du 27/11/1999), j'adresse une proposition à M. Besson. A ce ministre de l'intérieur, j'avais écrit en lui demandant de mettre à notre disposition cinq avions à Roissy pour décoller vers Dakar. Ce courrier est resté sans réponse. J'espère que ce courrier-ci ne restera pas sans réponse.

Je vous dis cela pour que vous compreniez que cette révolution de palais ou tempête dans un verre d'eau est lancée pour simplement divertir le peuple et canaliser son esprit ailleurs. Il est impossible à la France d'expulser 100 000 sans-papiers.

Je demande au gouvernement français de mettre rapidement en place cette politique pour que l'on en finisse. Je suis prêt à les rencontrer et en moins de deux mois, je ferai le tour de tous les sans-papiers, je discuterai avec eux, et nous regagnerons notre continent. Nous n'avons besoin de rien de votre gouvernement. Même notre retour ne dépendra pas de vous. Nous n'augmenterons pas encore votre déficit.

Vous ne pouvez pas relever ce défi. Les africains en France, immigrés ou sans-papiers contribuent largement à votre économie. Notre retour massif en Afrique vous ferait perdre bien avant même que l'on ait touché le sol africain plus de la moitié de vos recettes.

Tout cela pour vous dire d'arrêter ce jeu dangereux. Arrêtez de diviser les peuples. Arrêtez de monter les uns contre les autres. Arrêtez de créer la haine et le racisme dans ce monde. Assez de prendre les plus faibles comme boucs émissaires. Jamais vous ne mettrez en oeuvre ce projet. Ce projet est mort né. C'est du bluff.

Les hommes politiques en France ont toujours joué avec les étrangers. Je vais rafraîchir votre mémoire et cela datait de 1997 : « L'économie pose des problèmes aux immigrés, la crise économique rend l'opinion moins ouverte et freine l'intégration. Il faut réguler le flux migratoire sinon les réactions de notre opinion seraient grandes et les chemins ouverts pour telle ou telle formation extrémiste serait trop facile. Il ne faut pas vous dissimuler qu'il y a chez l'homme, surtout par temps de crise et de chômage, une forme de peur de l'autre. Ce problème accompagne l'histoire de l'humanité, on ne peut pas le nier. » Lionel Jospin au Mali le 22 décembre 1997.

On a aussi entendu dire que les intellectuels qui défendent les sans-papiers méconnaissent la réalité: « La réalité c'est l'évidence, l'évidence c'est le vécu, ce qu'on vit, c'est ce qu'on ressent, ce qu'on ressent c'est qu'il y a un problème de l'immigration ». « Il y a une inégalité des races c'est évident ». « Pour maintenir un climat de paix dans une communauté, dans une collectivité, il est évident qu'on a plus de chance quand on est semblable que quand on est dissemblable ». « Il suffit de regarder les rues, les aéroports, les écoles, les services sociaux, les HLM, les hôpitaux dont nous sommes boutés pour une véritable marée humaine » Jean-Marie Le Pen

Notre responsabilité sera énorme si cela dérape. Que personne ne vienne dire après, comme en 39-45, qu'il n'a rien vu venir.

«Une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscitent son fonctionnement est une civilisation décadente.

Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.

Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde.

En vérité il est des tares qu'il n'est au pouvoir de personne de réparer et que l'on n'a jamais fini d'expier.» Extrait du discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire

Pompidou a eu Senghor. Chirac a eu Abdou Diouf et Wade. Sarkozy continue avec Wade. Le monde témoignera que les africains n'ont jamais eu de chefs d'Etats depuis Houari Boumédiène.

Tous ceux qui ont essayé de libérer ce continent l'ont payé de leur vie. Le dernier en 1987 fût Thomas Sankara.

Faites attention à cette injustice. Face à l'injustice l'incompréhension et l'arbitraire ne peut naître que la barbarie.

Encore une fois, les intellectuels et les hommes de gauche de France doivent prendre leur responsabilité. Leur responsabilité est d'informer le peuple et surtout les jeunes, sans expérience ni histoire rien ne peut se construire. Vous entendez parler d'Angolagate avec une condamnation de Charles Pasqua à un an de prison ferme. Ce même Pasqua fût dans les années 60 le porteur de valises du général de Gaulle, membre du SAC, avec ses camarades Robert Pendreau et Jacques Foccart qui ont bien mis en place les soi-disant premiers chefs d'Etats d'Afrique indépendants. Cette organisation fût dissoute au début des années 80 par le gouvernement P.S. Ces porteurs de valises du général de Gaulle ont sévi jusque dans les années 80. L'Afrique a eu, après sa soi-disant indépendance, des chefs d'Etats mis en place par la France et dirigés par la France. Je vous rappelle l'Empereur Mr Jean Bedel Bokassa du Centre Afrique qui avait tellement gavé Giscard de diamants jusqu'à l'étouffer.

L'Afrique a ses griots, des bibliothèques vivantes qui ont l'air d'être beaucoup plus efficaces que les intellectuels et journalistes français qui disposent de moyens avec l'écriture, l'informatique et en troisième lieu, s'ils ne sont pas amnésiques : la mémoire. Les intellectuels et journalistes français laissent le peuple dans l'ignorance pour mieux les manipuler. J'ai sursauté hier matin en entendant à la télé que Mr Robert Boulin ex-ministre de Giscard d'Estaing avait été retrouvé mort dans le bois de Boulogne, noyé dans cinquante centimètres d'eau. Faux. Archi-faux. Robert Boulin a été retrouvé dans un soupçon de flaque d'eau qu'on pouvait traverser avec des tongs sans se mouiller. Regarder les archives de la météo du jour où il a été retrouvé dans le bois de Boulogne, vous en aurez le coeur net.

Tout cela pour dire au peuple français qu'est manipulé qui est manipulable, qu'au fond ils ont les dirigeants qu'ils méritent, ils ne font rien pour s'informer, ils attendent que des faquins de manipulateurs leur tracent la ligne à suivre. Les troupeaux de moutons s'égarent quand il n'y a plus de berger. Il est temps que les humains prennent leurs responsabilités. Personne aujourd'hui n'a le droit de dire : « je ne savais pas ».

Je ne fermerai pas cette page sans renouveler ma proposition au ministre de l'immigration Mr Besson : Chiche monsieur le ministre!

Je n'ai pas besoin de subventions, je n'ai jamais été subventionné par aucun parti que ce soit, aucun Etat que ce soit et aucun homme que ce soit et ce n'est pas aujourd'hui que cela va commencer. Dans toutes les actions que j'ai menées dans ce pays, nous avons compté, moi et mes camarades, sur nos propres forces pour garder notre indépendance et notre dignité. La seule chose que l'on vous demande c'est de faire vite pour mettre en place votre projet européen de mettre les immigrés africains dehors. Comme vous le savez, je suis capable de mobiliser toute cette population en moins de deux mois. Encore une fois, sans ton aide, je n'en ai pas besoin.

Ce projet sera tout bénéfique pour l'Afrique. Cela permettra enfin au peuple africain d'avoir son indépendance. Je ne vous le cache pas, la première année sera dure mais nous ne terminerons pas la deuxième année sans voir le fruit de notre sacrifice. Nous lutterons contre l'insuffisance alimentaire, et nous battrons pour réduire dès les premières années les importations de 40 %. Rappelez-vous de la politique faite au Burkina Faso. En moins de trois ans, de 83 à 86, ce pays a obtenu l'auto-suffisance alimentaire.

Non! Monsieur le ministre, si ce projet est réalisé, vous rendrez un très grand service à l'Afrique. Le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Maroc, l'Algérie, le Niger, la Mauritanie, le Gabon, le Zaïr, le Congo, bref, tout le continent africain pourra enfin être libre.

Je persiste et signe, je ne crois pas à votre agitation. Dommage.

Cette lettre ouverte sera adressée partout dès ce soir, notamment à l'AFP. Et sera dès lundi sur le bureau de toutes les rédactions .

Je demande à tous ceux qui liront ce courrier de le faire savoir.

Affaire à suivre

« Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l'accomplir ou la trahir » Franz Fanon


Bamba Gueye Lindor
Le 31 octobre 2009

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